Je m’appelle Chérif.
Je suis commerçant grossiste en alimentation générale à Yeumbeul.
En dehors des 10 ans passés dans mon Daara à Touba, je n’ai jamais fréquenté les bancs d’une quelconque autre école et je ne sais ni lire ni écrire. Pour autant, je suis assis sur un patrimoine immobilier conséquent et suis à la tête d’une affaire florissante qui affiche un chiffre d’affaires annuel qui frise le milliard de nos CFA.
J’ai démarré avec un capital de 100.000 FCFA après avoir thésaurisé mes économies issues de mon activité de jeunesse de menuisier métallique à Fass. Aujourd’hui, je fais vivre directement plus de 20 salariés et leurs familles. Sans parler de mon impact indirect sur l’économie (secteurs du transport, de la logistique, du transit, de la petite épicerie) ni de ma contribution fiscale et sociale au budget de l’Etat.
Au même titre que 80 % de nos compatriotes, je ne me sens pas suffisamment inclus dans le système financier classique. La majorité de nos Banques ne comprend pas très bien mon activité car relevant de l’informel.
En corollaire, je n’ai donc pas la possibilité de couvrir suffisamment tous mes besoins en financement. Même si mon activité est bénéficiaire, elles ne peuvent pas m’octroyer des crédits car je ne peux pas justifier de documents comptables standardisés, d’un titre foncier éligible à leurs garanties hypothécaires, de bulletins de salaires pour mes 20 salariés.
Pour financer mes besoins en fonds de roulement et les investissements nécessaires à ma croissance, cela fait 15 ans que je fais appel à la Pamecas, et plus récemment à COFINA, pour m’accompagner. En 15 ans, je suis fier d’affirmer haut et fort « que je n’ai jamais fait défaut et que j’ai toujours payé mes échéances dans les délais de surcroît ».
A l’instar de Chérif, pléthoriques sont les sénégalais qui font appel aux services des institutions de microfinance et mésofinance. Ils sont la raison d’être d’institutions privées comme COFINA. Nous partageons avec vous un chiffre édifiant : CMS (Crédit Mutuel du Sénégal), avec plus d’un million de sociétaires, affiche plus de relations que l’ensemble du système bancaire réuni. On peut multiplier les exemples en évoquant ce GIE du village de Ngoumbeu qui œuvre à la résilience sociale et économique de jeunes femmes. Hormis, un financement récent de la DER (Délégation Générale à l’Entreprenariat Rapide des femmes et des jeunes), ces braves dames n’ont jamais pu compter sur les services d’un établissement financier en dehors de l’ACEP en 2017.
Consécutivement à la crise sanitaire qui dérivera, sans nul doute, sur une crise économique, Chérif est inquiet. Ses préoccupations sont multiples. Il a besoin que son échéance liée à son crédit soit reportée de 3 mois, qu’une partie de sa dette d’investissement soit restructurée. Il a également besoin d’une rallonge sur 45 jours pour l’aider à récupérer ses marchandises bloquées dans un port chinois.
Au-delà de ce cas d’école, nous avons tout un pan de l’économie, certainement la majorité des acteurs économiques de ce pays, qui ne sait pas à quel saint se vouer.
Les institutions de micro et méso finance représentent plus de 3 millions sénégalais, et plus de 15 millions de clients dans la zone UEMOA. Elles ont vocation à accompagner des acteurs économiques comme Chérif à passer cette période difficile. Il devient, par conséquent, crucial que ces Institutions soient destinataires de toutes les attentions de notre Gouvernement.
C’est donc avec espoir que nous avons accueilli les mesures pragmatiques énoncées par le Chef de l’Etat dans son adresse à la Nation, le 3 Avril 2020. Plusieurs mesures visent à soutenir les clients des Institutions de micro et méso finance, l’Etat faisant sa part. On s’en réjouit.
Pour aller plus loin, l’on pourrait envisager, avec les Pouvoirs Publics, de leur donner accès à de nouveaux mécanismes de refinancement. Ne serait-ce que de façon transitoire. Cet accès à ces instruments leur permettrait de se refinancer à des taux bas et de gérer au mieux la liquidité et répercuter ainsi cela sur tous leurs clients, dont une majorité évolue dans le secteur de l’informel.
En outre, elles appellent de leurs vœux des mesures plus tranchées à leur encontre, afin qu’elles puissent être en mesure de continuer à mener le combat majeur qui est le leur : celui de l’inclusion financière. L’on pourrait ainsi leur autoriser le retraitement comptable des échéances reportées et celui des indicateurs de qualité de portefeuille afin de neutraliser l’impact des reports.
En outre, la suspension temporaire du respect de certains ratios prudentiels (liquidité, capitalisation…) pourrait être envisagée car les conséquences de la crise seront à long terme.
Enfin, l’autorisation de pouvoir valoriser des garanties réelles (comme une garantie en numéraires sous-jacent d’un crédit) dans le calcul de leur coût du risque permettrait d’améliorer leur résultat net et de mieux absorber ainsi de potentielles pertes inhérentes à cette période d’activité faible en grevant le moins possible leurs fonds propres.
Ce combat, COFINA le mène aux côtés de tout l’écosystème (la DER, la DRS – Direction de la Réglementation et de la Supervision et le Ministère de la Microfinance) au même titre que toutes les autres institutions de microfinance membres de l’Association des Professionnels des Systèmes Financiers Décentralisés (APSFD). Pour le gagner, nous aurons besoin de l’écoute et de toute la capacité d’action de nos forces publiques qui sont les garants de l’intérêt collectif.
Notre conviction est que les IMF (Institutions de microfinance) qui œuvrent au quotidien dans l’accompagnement de sénégalais comme Chérif, devraient être parmi les bénéficiaires privilégiés du fonds Covid 19, afin que Chérif et les millions de sénégalais affiliés à ces mêmes institutions, ne deviennent les grands oubliés de ce plan ambitieux de réponse à la crise.
Pensons à eux. #NousSommesTousChérif.